Conseil Supérieur De La Magistrature : Un Scandale Judiciaire Sans Précédent
Les faits Le Conseil d’Etat avait rendu les Arrêts REA 002 et REA 006 sur le contentieux de candidature reportant les élections de Gouverneur dans les provinces de Sankuru et de Sud-Ubangi. La CENI a refusé de se soumettre aux Arrêts de la Cour qui pourtant s’imposent à tous. Prenant fait et cause pour la CENI avec qui elle est intimement liée, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a déclaré « inexistants » les Arrêts du Conseil d’Etat en arguant que le Conseil aurait mal dit le droit et outrepassé ses pouvoirs.
Il ressort du compte-rendu de la réunion du Bureau du CSM du 11 avril 2019 que la majorité des membres du Bureau, y compris le Procureur général près le Conseil d’Etat, en avaient profité pour « corriger » et donner une leçon de droit public au Conseil d’Etat présidé par Prof Vunduawe te Pemako, l’un de plus grands publicistes congolais qui compte pourtant plusieurs anciens étudiants au sein du CSM. Comme c’est devenu monnaie courante dans ce pays où les élèves disent recadrer leurs maîtres, le Conseil d’Etat du Prof Vunduawe a été accusé d’avoir ignoré les principes et règles élémentaires de droit public.
Forte de cette décision qu’elle attendait du CSM pour justifier son refus d’exécuter les Arrêts du Conseil d’Etat, la CENI a résolu de menacer le Président et les Membres des Assemblées provinciales en décrétant que l’élection du Gouverneur aurait lieu le 15 avril 2019 quel que soit le nombre de Députés présents.
CENI : orgueil et insolence au nom d’une indépendance mal comprise
Dans une récente lettre adressée à Corneille Nangaa, le Prof André Mbata lui avait demandé le retrait (non pas l’annulation qui a un sens différent en droit administratif), de sa décision de proclamation des Sénateurs élus en violation de la loi, leur élection ayant eu lieu avant la mise en application du Règlement intérieur de plusieurs assemblées provinciales.
Certains de nos anciens étudiants et d’autres licenciés ou doctorants en droit sans aucune maîtrise de la Constitution dont ils font une interprétation littérale devenue archaïque au lieu d’une approche substantive, contextuelle et holistique avaient prétendu faire du bon droit en affirmant que la mise en application du règlement intérieur comme préalable à leur validité ne s’imposait que pour de les actes des chambres parlementaires (Assemblée nationale et Sénat), ignorant superbement les Assemblées provinciales et la jurisprudence de la Cour suprême de Justice faisant office de Cour constitutionnelle (Affaire Robert Ndambu c/Assemblée provinciale de Bandundu).
Après avoir impunément poussé les Assemblées provinciales à violer la loi lors de l’élection de leurs bureaux et des Sénateurs, Mr Corneille Nangaa et la CENI récidivent en refusant de se soumettre aux Arrêts du Conseil d’Etat.
Avant son entrée en fonction, le Président de la République avait prêté devant la Cour constitutionnelle, Dieu et la nation le serment solennel d’« observer et de défendre la Constitution et les lois de la République » (Article 74 de la Constitution). La justice est rendue au nom du peuple. Les arrêts et les jugements ainsi que les ordonnances des Cours et tribunaux sont exécutés au nom du Président de la République » (Article 149). Le peuple congolais attend voir comment le Président de la République pourra si facilement investir (Article 80) un Gouverneur ou un Vice-Gouverneur élus en violation de la loi et au mépris des arrêts et des ordonnances du Conseil d’Etat qui est la plus haute juridiction administrative et dont les arrêts s’imposent à tous, y compris la CENI.
Scandale judiciaire sans précédent
Ce qui vient de se passer au CSM constitue un scandale judiciaire sans précédent qui en dit long sur la « médiocrité » (Lire Cardinal Laurent Monsengwo) au sein de notre système judiciaire et justifie l’accent mis sur l’impérieuse réforme ou purge de la justice par le Président de la République depuis son accession au pouvoir.
Le scandale est d’autant plus grave qu’il est le fait de plus hauts magistrats que sont le Président de la Cour constitutionnelle, le Premier Président de la Cour de Cassation, le Premier Président du Conseil d’Etat, le Premier Président de la Haute Cour militaire et les Procureurs généraux ou l’Auditeur général près ces cours.
L’Article 152 de la Constitution confère au CSM la compétence d’élaborer les propositions de nomination, de promotion et de révocation des magistrats, d’exercer le pouvoir disciplinaire sur les magistrats et de donner des avis en matière de recours en grâce. Après avoir affirmé qu’en droit les compétences sont d’attribution, les membres du Bureau du CSM reprochent aux juges du Conseil d’Etat d’avoir mal dit le droit mais leur crime est sans commune mesure car ils ne constituent pas une juridiction et aucune disposition constitutionnelle ne leur permet de remettre en cause les arrêts du Conseil d’Etat. Si un tel scandale, une telle ignorance de la Constitution et de telles hérésies juridiques émanent de ceux qui sont considérés comme les plus hauts magistrats, que peut-on attendre des magistrats qu’ils sont censés gérer.
Il n’est nullement nécessaire d’aborder le fond des Arrêts querellés dès lors que sur la forme, le CSM n’avait aucune compétence en la matière même si le Conseil d’Etat avait mal dit le droit car ses arrêts sont définitifs. Le scandale est un fâcheux précédent car on risque de voir demain le CSM sortir de ses compétences constitutionnelles pour devenir une juridiction d’appel contre les arrêts et jugements rendus par tous les Cours et tribunaux du pays, y compris la Cour constitutionnelle.
Si cette folie dans l’hérésie n’est pas arrêtée, le CSM risque de se transformer en juge administratif ou constitutionnel, juge du contentieux électoral, juge pénal pour les coups et blessures ou juge civil pour les conflits parcellaires! Ce serait la fin de l’Etat de droit que le peuple congolais a voulu établir dans le pays (Article 1 de la Constitution) et que le Président de la République a solennellement juré de défendre.
Par ailleurs, en invoquant une saisine par le Président de la République, le CSM a délibérément menti à notre peuple car la lettre du Directeur de Cabinet du Président de la République en date du 2 avril 2019 demandait au CSM des avis sur la nomination et la mise à la retraite de certains magistrats du Conseil d’Etat et non sur les Arrêts 002 et 006 du Conseil. Ce faisant, le CSM a voulu faire de la politique politicienne sous prétexte d’assumer sa mission constitutionnelle. Il s’est agi d’une tentative malheureuse de discréditer le Président de la République auprès du peuple. S’il devait endosser la position du CSM sur la remise en cause des arrêts du Conseil d’Etat qui sont exécutés en son nom comme du reste tous les arrêts et jugements des cours et tribunaux, le Président de la République pourrait être accusé d’avoir violé la Constitution et trahi son peuple. Le CSM et la CENI auraient également cherché à mettre le Président en conflit avec la population de Sud-Ubangi et surtout celle de Lusambo qui ne veut pas d’une candidature unique comme au temps du parti unique.
Que devrait faire le Président de la République devant un tel scandale ?
Pour avoir solennellement juré de consacrer toutes ses forces à la défense de l’Etat de droit, à une meilleure dispensation de la justice et au « déboulonnage » d’un système politique dictatorial, corrompu et maffieux fondé sur des antivaleurs, le Président de la République, est appelé à intervenir sans complaisance ni atermoiements.
Ainsi que le dit un proverbe chinois, « le poisson pourrit d’abord par la tête » et c’est donc à partir de la tête ou du sommet que le changement devra commencer. Le scandale venant d’en haut, d’un Conseil supérieur incompétent au propre comme au figuré, le Président de la République devra profiter des conclusions du CSM pour procéder à une véritable purge au niveau de notre système judiciaire.
La justice élève une nation. Le système judiciaire congolais est rongé par des antivaleurs comme le tribalisme, le régionalisme, l’ethnicisme, le favoritisme, la corruption, le marchandage des décisions judiciaires au profit des plus offrants, et la recherche de l’enrichissement facile et sans cause. Au final, la justice a depuis longtemps déserté nos palais de justice qui sont devenus des palais de l’injustice et de la corruption.
Notre La lutte contre les antivaleurs décriées ne peut être menée et surtout gagnée qu’avec des magistrats totalement acquis à la cause de la justice et de notre peuple, intègres, compétents, et indépendants de leurs ventres, des partis politiques et de leurs « Autorités morales ». Aussi, l’évolution actuelle du droit fait que la plupart de nos magistrats n’ont jamais été recyclés et sont incapables de s’adapter. Certains auraient dû depuis longtemps être mis à la retraite. Il en est aussi qui se sont sérieusement compromis. D’autres ont été irrégulièrement promus au détriment des collègues plus méritants ou devraient être révoqués. Des enquêtes récentes ont montré que certaines personnes ont exercé la profession de magistrat pendant de longues années et même au sein de plus hautes juridictions congolaises sans pourtant avoir obtenu un diplôme de droit ou aucune formation juridique appropriée. D’où l’importance d’une école supérieure de la magistrature.
L’article 82 de la Constitution prévoit que le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque par ordonnance les magistrats du siège et du parquet sur proposition du CSM. Au niveau du siège et du parquet, en commençant par les plus hautes juridictions, la RD Congo a besoin de magistrats compétents et intègres qui puissent dire le droit sans peur ni favoritisme, qui comprennent que la justice est rendue au nom du peuple souverain et dont le premier souci devrait être de servir « Le Peuple d’Abord ».
Pour revenir aux arrêts du Conseil d’Etat, il y a lieu de féliciter son Premier Président, Prof Vunduawe, qui a su tenir seul contre tous ses collègues du CSM pour défendre son institution, le droit et la Constitution. L’on devrait également féliciter le Président de l’Assemblée provinciale du Sankuru qui n’a aucun ordre à recevoir pour convoquer une plénière en vue de l’élection d’un Gouverneur et d’un Vice-gouverneur de la part d’une CENI qui refuse elle-même de se soumettre à la Constitution de la République. Quant au peuple qui a démocratiquement élu son Président de la République, ce serait exercer son droit constitutionnel (Article 64) que de s’opposer à une CENI et à un CSM qui exerceraient leurs pouvoirs en violation des dispositions de la Constitution.
Prof André Mbata / lepotentielonline.net