Le phénomène « coupage », le mot qui empoisonne le métier du journalisme dans ma région

Plusieurs journalistes se laissent actuellement passer pour quémandeurs et font leur travail sans respect des règles d'éthique et déontologie du métier. Ce phénomène inquiète tant bien que mal les professionnels avertis qui en sont victimes à la merci des corporations et organes qui gèrent la presse dans la région. Un éditorialiste révolté dénonce.

Le phénomène « coupage », le mot qui empoisonne le métier du journalisme dans ma région
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Tous peinent à comprendre pourquoi un journaliste, avec toute l’éthique, la déontologie et les conventions qu’il a apprises durant sa formation, se transforme en un bagage sans importance suite à un comportement de quémandeur, tel est la représentation des certains journalistes aujourd’hui dans la région de grand lacs. Certains, au lieu de récolter, traiter et diffuser les informations qui, du reste est leur métier quotidien, ils se mettent à courir derrière les politiques et autres personnalités pour leur demander des présents pour diffuser. D’autres vont très loin et restent les vrais quémandeurs qui n’ont même pas où faire passer les informations qu’ils récoltent. Dans ma ville de Goma cette pratique est de fois nommée « Kamboka (ration) » qui ternie l’image de se métier aussi noble du quatrième pouvoir.

Toutes activités dont certain ou voire même une catégorie des journalistes ont pris part, se termine souvent par un petit rituel de distribution dans un coin de la salle d’une enveloppe aux journalistes ayant fait part ou participés sous la connotation « transport ».

Puis-je informer juste et vrai sur une conférence ou une manifestation à la fin de laquelle j’ai reçu les apocryphes « frais de transport » ?

Cet appétit des médias et des journalistes pour les comptes rendus d’événements parfois mineurs, quelle aubaine pour les ONG et projets en tout genre, qui communiquent ainsi à peu de frais car chaque fois une conférence de presse se termine par un petit traditionnel épiphénomène de distribution dans un coin de la salle d’enveloppes aux journalistes ayant fait le déplacement, des per-diem de petit rien du tout et de fois la chaine nationale et la cellule de communication de l’autorité provinciale reçoivent le double. Des sommes qui, dans les comptes des ONG, apparaîtront sobrement à la rubrique « remboursement de transport ».

A la différence des per diem prévus pour les participants « civils » du séminaire, ceux qui s’expriment devant la salle, les per diem pour les journalistes ont la fâcheuse caractéristique d’être un budget extensible, dont on ne connaît pas le montant à l’avance : viennent ceux qui ont été conviés, comme le régiment de ceux qui ne l’ont pas été. Quand une organisation ne prévoit ou ne donne rien aux journalistes j’attends souvent le slogan « habitapita (cette information ne va pas passer) » et sans tenir compte de sa pertinence, cette dernière est gelée et gardée dans des frigos pour ceux qui gardent encore un peu de consciences car d’autres ne tardent pas à l’effacer des appareils avant même d’atteindre leurs rédactions.

Certaines organisations aiment attrouper le plus de « journalistes » possibles, croyant que plus la salle sera pleine, mieux l’opinion sera informée. Et ne traînent pas à distribuer les per-diem, pour s’assurer que leur message sera diffusé. C’est seulement lorsqu’elles font leur « monitoring » et rassemblent les coupures de presse qu’elles comprennent que seule une poignée de « journalistes » présents à la manifestation ont relayé l’information.

On a même fini par les surnommer les « moutons noirs ». Actuellement dans ma ville certains journalistes se font aussi membres d’une structure informelle qui fait rire tout professionnel digne dénommée journaliste attachés au pied d’avion (JAPA en sigle). Ce sont des journalistes qui n’ont presque pas des rédactions ou ceux qui ne tiennent pas compte des conférences de rédaction et qui se réveillent le matin et se rendent à l’aéroport pour attendre l’arrivée d’une potentielle personnalité sans rendez-vous comme de la manne qui tomberait du ciel. Certains menacent même les organisateurs.

Ceux qui n’ont pas d’organes de presse se font passer pour des correspondants des chaines non suivies dans la région ou des distributeurs des journaux. Ils se pavanent des fois avec un magazine sous le bras, organe auquel ils se prévalent d’appartenir. Ils savent distinguer les manifestations où ils recevront un per-diem et les ateliers ou rencontres où ils n’auront rien du tout, comme ceux des organisations des Nations unies qui ont totalement renoncé aux per-diem pour n’accueillir que les journalistes qui ont un intérêt éditorial effectif pour le contenu de la manifestation.

D’où serait venu la pratique liste dans les salles des conférences ou des manifestations ? certains journalistes qui prétendent être professionnels et brandissent même des niveaux universitaires ne tardent pas à se faire passer pour ceux qui connaissent les noms de tous les journalistes et qui, dans les salles, au lieu de suivre même ce qui se dit, restent à compléter les noms des journalistes qui débarquent pour au finish la filer entre les mains des organisations qui n’ont peut-être même pas idée. A la fin de compte n’ayant rien compris de l’activité, il ne se mettent qu’à écrire de l’imaginaire. Chose drôle, certaines organisations qui ne tiennent pas compte de la bonne écriture ne recourent qu’à eux car, ces derniers savent trainer des milliers des moutons noirs derrière eux.

L’éditorialiste du mois