Nord-Kivu : AIDEPROFEN au service de la communauté sans relâche depuis 2011

​​​​​​​L’organisation Action et Initiative de Développement pour la PROtection de la Femme et de l’Enfant AIDEPROFEN en sigle lutte depuis plusieurs années pour la promotion et la défense des droits humains surtout contre les inégalités et les violences de tout genre sur la femme et l’enfant dans les communautés de la RDC. Tout est venu de l’idée de Passy Mubalama Nabintu sa coordonnatrice, après des reportages qu’elle faisait sur les victimes des violences et inégalités. Elle s’est confiée au groupe de presse l’Emergence.

Nord-Kivu : AIDEPROFEN au service de la communauté sans relâche depuis 2011
AIDEPROFEN et son équipe

Em-Gr : D’où est venu l’idée de créer l’AIDEPROFEN et quelle est sa mission ?

Passy Mubalama : Notre mission est d’essayer de réduire les inégalités de droit entre les hommes et les femmes. Depuis 2011 lors de la création de l’AIDEPROFEN, il y avait beaucoup de violations des droits non seulement de la femme mais aussi des enfants qui avaient perdu les traces de leurs parents lors des affrontements. Pour moi en tant que femme congolaise et journaliste a l’époque, c’était très compliquée de reporter seulement sur la situation de ces femmes dans les camps ce qui m’a poussé à penser sur ce qui pouvait être aussi ma contribution pour aider les enfants victimes des conflits et surtout les femmes qui étaient en plus victimes des violences sexuelles dans un camp où j’étais parti faire mon reportage. Et depuis lors, nous avons commencé à organiser différentes activités pour les aider. Ainsi, nous avons mis en œuvre un centre d’encadrement des enfants dénommé centre Tumaini Letu dans lequel nous aidions ces enfants grâce aux collectes des biens auprès des gens de bonne volonté. Ils donnaient de la nourriture, des chaussures, des vêtements et d’autres biens pour ces enfants. En même temps, nous nous rendions compte que la situation de violation des droits humains en RDC prenait de l’ascenseur, ce qui nous avait poussé aussi à s’interroger sur le niveau de connaissance des femmes sur leurs droits. C’est ainsi que nous avions commencé les activités dans le territoire de Nyiragongo où à l’époque avec la rébellion du M23, il y avait beaucoup des femmes violées et certaines d’entre elles tombaient même enceintes. Comme on le sait dans nos communautés, lorsqu’une femme est enceinte sans mari, elle est discriminée. Cette situation amenait ces femmes à se sentir seules, abandonnées, rejetées et discriminées non seulement par leur famille mais aussi par la communauté entière. Nous avions commencé à les sensibiliser, à leur apprendre leurs droits et petit à petit, ses activités ont permis à AIDEPROFEN de s’agrandir.

Em-Gr : Quelles sont les actions de l’AIDEPROFEN ?

Passy Mubalama : AIDEPROFEN a plusieurs activités et différents programmes notamment, l’intervention dans la promotion des droits humains où nous faisons beaucoup plus de monitoring de violation des droits humains avec un focus sur les droits des femmes et des enfants. Nous travaillons aussi dans la consolidation de la paix car chez nous, la sécurité doit être une priorité pour tout être humain car en RDC nous avons connu des conflits pendant plus d’une décennie et que malheureusement les premières victimes de ces derniers sont les femmes et les enfants. Nous essayons de travailler pour impliquer les femmes dans le processus de consolidation de la paix. Nous travaillons aussi sur la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance. Pour ce cas, nous avons trouvé par exemple que le taux de participation de la femme aux élections de 2006 et 2011 était trop faible et on s’est dit donc qu’il y a beaucoup de violation des droits de la femme, peut être aussi, car les femmes ne sont pas représentées au niveau des instances de prise des décisions et que s’il faut jouer sur le respect des droits des femmes, ces dernières doivent être représentées. Le challenge est qu’en 2006 et 2011, sur l’ensemble de 42 députés provinciaux du Nord-Kivu, nous n’avions qu’une seule femme alors que les femmes constituent la majorité de la population. Nous organisons aussi beaucoup d’autres activités avec les jeunes dans le cadre de la participation au développement de la publique.

Dans le cadre des droits humains, nous travaillons dans le territoire de Nyiragongo, où nous encadrons les femmes et jeunes filles qui ont été victimes des violences sexuelles en leur donnant l’espoir par les formations dans différents métiers pour leur autonomisation sur le plan financier. Nous faisons la prise en charge des survivants des violences sexuelles jusqu’à leur intégration complète dans la communauté. Dans le cadre de la consolidation a la paix, nous avons mis en place dans différents territoires où nous intervenons, notamment à Masisi, Rutshuru, Lubero, Nyiragongo et à Goma des comités locaux de paix des femmes parce que nous pensons qu’il est important que les femmes participent car ayant été victimes des conflits, elles doivent participer dans le processus de la consolidation de la paix. Par rapport à la question de la démocratie et la bonne gouvernance, nous travaillons beaucoup avec les femmes politiques pour essayer de renforcer leur capacité en les amenant à s’approprier la politique. Le pouvoir ne se donne pas sur un plateau en or, il faut beaucoup travailler pour l’acquérir. Nous travaillons aussi avec les représentants des partis politiques pour qu’ils comprennent pourquoi il est important de mettre en avant la femme.

Pour les jeunes, nous avons mis en œuvre un projet avec le centre quarter qu’on appelle « youth Initiative » qui a commencé depuis 2016 à travers lequel nous avons organisé des cafés citoyens où nous amenons les jeunes des différentes couches et communautés ensembles pour essayer de réfléchir sur la situation du pays en invitant certaines autorités pour des discussions importantes par rapport aux situations d’actualités afin de développer ce que nous appelons « critical finking » donc la pensée critique chez les jeunes parce que nous pensons que dans notre pays c’est ce qui manque chez nos jeunes et qui doit être développé chez eux davantage.

Nous organisons aussi des concours artistiques, où nous amenons les jeunes à mieux s’exprimer d’une façon non violente à partir de l’art, des chansons, des dessins, des théâtres et d’autres œuvres.

Nous faisons aussi de « democracy bee » pour permettre de changer la mentalité des gens dans notre pays à travers les sensibilisations sur les questions de la démocratie en travaillant bien sûr avec des plus jeunes dans des écoles dont leur âge varie entre 10 à 14 ans. Nous leurs inculquons des notions de la démocratie en leur montrant leurs devoirs envers le pays et leurs droits aussi car, nous avons remarqué que les gens ont souvent l’habitude de réclamer seulement leur droit et oublient qu’ils ont aussi des devoirs auxquels ils doivent répondre.

Em-Gr : Quels sont vos défis ?

Passy Mubalama : Les défis sont énormes quand on travaille comme activiste des droits de l’homme dans notre pays. Il y a l’insécurité qui bat record dans différentes zones où nous travaillons. Nous savons nous tous que la partie Est de la RDC ne compte pas moins de 70 groupes armés et les rebelles sont responsables de plusieurs violations des droits humains. Nous avons aussi comme défi les coutumes et les traditions rétrogrades surtout quand on travaille sur les questions des droits des femmes et l’égalité des droits. L’impunité sur la corruption par la justice congolaise reste aussi un problème surtout que des dénonciations qui se font par la communauté et les organisations des droits humains mais rien n’est fait au niveau de la justice car nous constatons une certaine lenteur et cela ne fait pas que nous puissions faire beaucoup mieux notre travail en tant que défenseurs des droits de l’homme.

Tout de même, j’encourage les femmes de bien travailler et être irréductible surtout pour atteindre un objectif. J’encourage toujours les femmes à bien travailler quel que soit l’âge. Avec l’expérience de AIDEPROFEN, nous avons constaté que les femmes attendent qu’il y ait quelqu’un toujours dernière elles pour les pousser alors qu’entant que femmes, nous avons beaucoup de potentiels que nous pouvons mettre au profit de la communauté. Avec les hommes, nous avons le même droit et nous devons prendre conscience. Nous devons l’accepter quel que soit notre lutte pour l’égalité, nous sommes toujours différents des hommes sur plusieurs plans biologiques mais sur le plan des droits, nous sommes égaux et nous devons revendiquer notre droit s’il le faut. Sinon, la manne ne tombera pas du ciel deux fois.