Nord-Kivu: « Un environnement sain peut stopper le développement des virus »

​​​​​​​Pour prévenir les dégâts causés par les virus à travers le monde actuellement, les experts dans le domaine de la santé et l’environnement conseillent les populations à protéger la forêt mais aussi à se faire vacciner. Par exemple, le parc national de Virunga a réussi à empêcher la Maladie à virus Ebola à se propager en Afrique de l'Est et dans les grandes villes du pays.

Nord-Kivu: « Un environnement sain peut stopper le développement des virus »
Parc National de Virunga

« Face à cette situation, j’appelle la population du Nord-Kivu en général, et en particulier, celle de la ville de Butembo ainsi que du territoire de Lubero au calme et à la sérénité pendant cette dure période où notre province est frappée encore une fois par l’épidémie de la maladie à virus Ebola qui vient de s’ajouter à la pandémie de Covid-19 », fait savoir Eteni Longondo, Ministre national de la santé à travers un communiqué de presse publié le 07 février 2021. Ce message confirme un nouveau cas positif d’Ebola à Biena, dans le territoire de Lubero. Il s’agit d’une épouse d’un survivant de la 10ème épidémie d’Ebola qui a succombé de cette maladie à l’hôpital de Matanda à Butembo le 03 février 2021. Après analyse de son échantillon sanguin au laboratoire dans la même ville, le résultat est sorti positif.

Disons que les virus sont dangereux lorsqu’ils se propagent au sein de la communauté. Ils tuent et traumatisent les populations. Prenons le cas d’Ebola de la 10ème épidémie mortelle ayant attaqué le territoire de Beni le 1er août 2018, dans la zone de santé de Mabalako. Justin Kambale, infirmier titulaire de l’hôpital général de référence de Mangina, entité située à 30 Km à l’Ouest de la ville de Beni, se souvient encore aujourd’hui de la propagation du virus : « La première victime était cultivateur. Un papa qui travaillait dans la province de l’Ituri. Nous l’avions accueilli et placé dans les soins intensifs pour les traitements d’urgence. Il vomissait le sang, le sang lui sortait aussi des narines. Il avait également une forte fièvre. Et nous, on pensait que c’était de la fièvre typhoïde qui lui était testée positive », explique Justin Kambale qui précise que la victime était décédée trois jours après.

De la sorcellerie à Ebola ?

En ce temps, personne ne pouvait savoir que c’était Ebola. Il y avait plusieurs spéculations dans la communauté. Les uns disaient que les victimes étaient ensorcelées, tandis que les autres insinuaient que c’était l’empoisonnement : « il y avait une rumeur selon laquelle, la première victime aurait consommé un chat maléfique. Ce chat qui appartiendrait à sa tante maternelle serait à la base du décès. Après quelques jours, le frère jumeau du défunt est tombé également malade, présentant ainsi les mêmes signes cliniques que son défunt frère, avant de mourir quatre jours après », ajoute Justin Kambale en soulignant qu’après quelques jours, tout l’hôpital était envahi par le virus et le nombre de morts ne faisait que s’accroire.

Bien que la Maladie c’était rependue dans plusieurs zones de santés à travers la région, le Ministère de la Santé avec l’appui de ses partenaires avait réussi à riposter. Et, le 25 juin 2020, le Ministère déclare la fin de la deuxième épidémie d’Ebola au pays.

Néanmoins, nombreux sont les aides soignants qui ont été infectés par ce virus mortels. Certains sont morts, comme le confirme Rachel Kahindo, infirmière ayant travaillé dans le Centre de transit de riposte contre Ebola. Pour elle, le combat contre la maladie à virus Ebola était traumatisant.

Photo Hugh Kinsella

Ebola, une maladie traumatisante

« J’avais de l’amour pour les victimes d’Ebola. Mais au début de l’épidémie, j’avais vraiment peur d’eux quand je les voyais à l’agonie. Je les soigner uniquement par respect à mon serment, sans espoir de les voir guéris. Dieu merci ! Nombreux s’était rétabli. Je n’avais pas assez d’informations en ce temps sur Ebola. Avec mes collègues, nous percevions Ebola comme un virus lointain qui a toujours attaqué la province de l’Equateur », fait savoir Rachel. Elle recommande par la suite au Ministère de la santé d’équiper les infirmiers en matériel de protection individuelle pour éviter les contaminations pendant le combat contre tout virus.

D’après les statistiques du Secrétariat technique du Comité du Ministère de la Santé et ses partenaires des Nations Unies, malgré les dégâts causés par Ebola, la lutte contre cette épidémie avait été efficace. C’est ainsi que le nombre des guéris s’élève à plus de 1000 personnes. Parmi les survivants, Yvette Adania raconte son expérience douloureuse : « J’avais été infectée dans un centre de santé où je gardais mon époux qui était malade. Après quelques jours, j’avais une forte fièvre. Ebola m’avais rendu vraiment faible et traumatisé. J’avais perdu le poids, mon teint était devenu noirâtre, je faisais le vomissement et la diarrhée. J’avais très mal à la tête. Malgré ma guérison, j’ai du mal à recouvrer ma santé aujourd’hui », dit-elle tristement.

L’humanité doit porter le cache-nez

Pour rappel, Ebola avait réussi à tuer plusieurs personnes à cause de la réticence communautaire ainsi que les rumeurs nocives qui tournaient autour de cette maladie. Pour la majorité, ce virus n’existe pas, un business de la mort, les acteurs de la lutte contre Ebola cherchaient seulement à tuer les innocents pour se faire de l’argent : « Ebola avait tué deux personnes dans ma famille, mon mari et mon beau-frère. On avait peur d’aller au CTE parce nos proches nous les interdisaient. Selon eux, toutes les personnes à groupe sanguin O, sont tuées volontairement par les médecins aussitôt arrivés au CTE (Centre de traitement Ebola). C’est par après que nous avions découvert que c’était faux », se souvient tristement Adania pendant qu’elle défrichait la tombe de son défunt mari au cimetière de Bundji à Beni.  Aujourd’hui membre au sein d’une association des survivants d’Ebola, elle se permet de conseiller l’humanité à respecter les règles d’hygiène et d’autres conseils des médecins pour lutter efficacement contre toute forme des virus : « l’humanité doit porter le cache-nez mais aussi se laver les mains régulièrement pour vaincre le Corona virus. »  Elle dit ainsi par allusion à la similitude que l’on trouve entre Ebola et Corona Virus.

Certes, Ebola et Corona sont deux virus qui se transmettent à l’homme quand il entre en contact avec les liquides corporels du malade. Le fait que ces virus animaux viennent probablement de la chauve-souris ou autres animaux de la forêt, permet de nous prévenir de protéger l’environnement. Pour comprendre comment les virus arrivent à se propager au sein de la communauté, Amelia Goldsmith, l’une des épidémiologistes ayant participé activement dans plusieurs combats contre les maladies infectieuses, fait savoir que l’homme arrive à être infecté quand il viole l’habitat naturel des animaux en y pratiquant la chasse ou l’agriculture.

Le vaccin, aussi une solution durable

Par ailleurs, Emmanuel d’Emerode, anthropologue et directeur provincial de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) au Nord-Kivu, précise que les activités humaines dans le parc, dont l’activisme des groupes armés et le déboisement dégrade non seulement la forêt mais aussi donne l’avantage aux virus de se propager dans la communauté. « Il existe un corpus de recherches substantiels qui indique que chaque épidémie, Corona virus, Ebola… trouve ses origines dans une zone de déforestation massive. Et, comme les origines des virus sont liées à la destruction des forêts, le fait qu’Ebola ait été maîtrisée avec succès par exemple, fait suite à un mécanisme d’autodéfense naturel déclenché par un écosystème sain », indique Emmanuel d’Emerode. Il ajoute que cet écosystème sain vient de Virunga, ce parc national qui a empêché Ebola de se propager en Afrique de l'Est et dans les grandes villes comme Goma.

En plus de la protection de la forêt, la vaccination constitue une autre solution durable pouvant stopper efficacement la progression des virus dans les communautés : « RDC par exemple, les maladies telles que les rougeoles, la poliomyélite, etc., existent toujours dans le milieu alors que dans les pays développés, ces maladies n’infectent presque plus les populations grâce à la disponibilité des vaccins. L’administration des vaccins contre les maladies spécifiques renforce généralement le système immunitaire des gens en société et améliore leur qualité de vie », conclut Amelia Goldsmith.

Mustapha Mulonda